Pourvu qu’il ne m’arrive rien

Il y a toujours eu deux façon de se lever le matin.

La première typiquement française consiste à se dire “pourvu qu’il ne m’arrive rien aujourd’hui”.

La seconde, plus américaine, consiste à “espérer qu’il m’arrive quelque chose. Quiconque s’interroge sur l’origine de notre état d’esprit ferait bien d’observer la façon dont une jeune maman encourage outre-Atlantique l’enfant qu’elle dépose pour la première fois à l’école maternelle : “Go and have fun”, lui dit-elle en l’embrassant. Rien de tel en France, où la mère protectrice multiplie en pareil cas les mises en garde du type : “Fais attention, sois prudent, ne prends pas de risque, ne touche à rien, ne tombe pas!…”.

À force d’avoir une peur maladive que le ciel nous tombe sur la tête, nous sommes peu à peu devenus l’un des peuples les plus inquiets et les plus frileux au monde et accordant le moins facilement sa confiance aux autres, convaincus que cela représente un danger potentiel. À la question “Faites-vous naturellement confiance aux autres, ou bien pensez-vous qu’il faut se méfier de tout le monde?”, 79% des Français optaient pour la méfiance en 2019, nous plaçant 28ème sur trente pays sondés dans l’échelle de la confiance. Pas étonnant que cette méfiance généralisée se soit propagée à travers toute la société française. Le citoyen n’a plus confiance envers les politiques, la justice ou même la police ( pour lui! le policier, nous sommes tous des délinquants potentiels), le salarié envers le patron (et vice et versa), le client envers les marques, le lecteur envers les médias etc.. Voyant le danger partout, nous cherchons par tous les moyens à réduire le risque, voire à l’éliminer.

Caricatural, penserez-vous sans doute! Pas si sûr…Notre pays n’est-il pas en effet celui qui a érigé le principe de précaution en tout puissant juge de paix de nos audaces? Peu d’entre nous sont aujourd’hui capables de décrire précisément ce que recouvre ce concept, conçu à l’origine pour nous protéger des risques environnementaux et de santé, ni de rappeler comment et pourquoi il s’est à ce point imposé à nous en se glissant dans notre Constitution. Mais il semble avoir envahi tous les aspects de nos vies. Au point que les mots prévention, prudence et protection ont largement remplacé dans notre vocabulaire les mots audace, culot et sang-froid. Et que les français régulièrement sondés sur la vision qu’ils ont de leur avenir, le voient aujourd’hui plus sombre que les Afghans, les Iraniens ou les Ukrainiens et préfèrent lui tourner le dos.

N’est-il pas étrange que le pays qui possède le droit social le plus protecteur jamais inventé, qui prend soin de ses demandeurs d’emplois, qui possède l’une des plus grosses épargnes de la planète et qui vit en paix (!!!) depuis 1945, est aussi celui qui est le plus gros consommateur d’anxiolytiques ? Pas si étonnant à y réfléchir, car chacun sait que seules les épreuves renforcent, et que seuls les échecs font avancer. N’oublions jamais que surprotéger affaiblit. Et qu’entreprendre aguerrit. Quand cesserons-nous de nous plaindre plutôt que de nous endurcir ? Quand comprendrons-nous qu’une surprotection excessive ne fait que ruiner l’estime de soi de ceux qui en bénéficient ?

Sûre d’elle et de son pouvoir, investie d’une mission divine et non négociable de protection de nos intérêts, de nos vies, de notre santé, l’administration légifère à tout-va, ordonne, impose, mesure, limite, interdit . Et dépense ensuite des fortunes pour nous contrôler et s’assurer du respect de la volonté divine. Premier producteur mondial de tracasseries, l’État Français se rend-il compte des dégâts considérables qu’il provoque ainsi, et dont il faudra un jour que ses dirigeants rendent compte ? A-t-il jamais calculé les milliards d’euros dépensés par les collectivités pour se plier aux diktats des “ayatollahs du précautionnisme” ? Au prétexte de nous faire du bien, il concourt à nous affaiblir chaque jour davantage en nous faisant perdre nos défenses immunitaires.

Personne n’aspire bien sûr à un monde totalement débridé, sans aucune règle, où tout serait permis et où l’on ne prendrait pas en considération l’état du monde que nous laisserons à nos enfants. Mais il est temps d’arrêter de vivre dans la peur et d’exiger de l’État une protection absolue si nous voulons retrouver l’énergie et le plaisir de nous lever chaque matin. Pour nous y aider, imaginons un instant ce qui serait arrivé si le principe de précaution avait existé lorsque Christophe Colomb est parti à la découverte de l’Amérique. Jamais le monde aurait accompli ses progrès les plus fous si ceux qui les ont rendus possibles avaient eu peur des conséquences de leurs actes. Réduire le risque devient dangereux quand cela nous dissuade d’en prendre.

Le pire dans cette affaire est le cynisme qu’elle révèle. Car soyons réalistes ! Il est évident que les dirigeants politiques de tous bords cherchent toujours à conforter leur pouvoir en dénichant de nouveaux risques leur permettant d’édicter de nouvelles règles et de nous imposer “l’État nounou” en ultime recours. Pour freiner leurs ardeurs, rejetons les sirènes de ceux qui créent, dénoncent ou amplifient les peurs, et se posent ensuite en remparts pour se faire élire ou réélire. Refusons le repli sur soi qui nous est proposé en réponse aux menaces réelles ou supposées. Cessons de maudire la mondialisation, l’Europe, Bruxelles, les Chinois, l’euro, le plombier Polonais, le Covid, la bouffe, le réchauffement climatique, les médias, l’argent et tant d’autres ennemis “extérieurs”.

L’inaction est aujourd’hui plus risquée que l’action. Car l’histoire s’accélère et la facture de notre immobilisme s’alourdit chaque jour davantage. Inventons courageusement des façons différentes de vivre et de travailler, plutôt que de vivre paralysés. Arrêtons d’hiberner et de nous mettre aux abris en attendant la fin du monde…

Ceci n’est pas “une vrai photo”, J’ai réalisé une photo montage.


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